Corée du Nord
Kim Jung-un remporte les élections... avec 100 % des voix
La Presse
Au moins, personne n’est tombé en bas de sa chaise. En Corée du Nord, le leader Kim Jong-un a remporté ses toutes premières « élections » avec un taux de 100 %. Les résultats des autres circonscriptions ne sont pas encore connus, mais avec un seul candidat par bulletin, le suspense est nul. Pourquoi organiser une telle comédie ?
« Les élections sont une façon de donner une certaine apparence démocratique au régime. Mais elles servent surtout à surveiller et contrôler la population », explique Benoit Hardy-Chartrand, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM.
Oliver Hotham, reporter au journal spécialisé
explique que de nombreux Nord-Coréens qui avaient fui clandestinement vers la Chine sont revenus au péril de leur vie afin de remplir leur bulletin. « L’élection joue un peu le rôle d’un recensement. Si vous êtes sur la liste et ne votez pas, il y a aura des enquêtes et votre famille pourrait subir de sérieuses conséquences », dit-il.Rigoureusement parlant, un électeur au pays de Kim Jong-un n’est pas complètement dépourvu de choix. Le bulletin de vote nord-coréen comporte le nom d’un seul candidat. À côté, on peut cocher « oui » ou « non ».
« Si on veut cocher non, on doit se rendre à une autre table. C’est pratiquement un suicide de faire ça », dit Benoit Hardy-Chartrand. Mina Yoon, une Nord-Coréenne qui a fait défection, a affirmé à
qu’un tel geste représenterait « un passeport vers le camp de concentration ». Pas étonnant que les taux d’approbation soient systématiquement de 100 %.Les rares à avoir pu observer le processus électoral et à pouvoir en parler rapportent que les électeurs doivent obligatoirement s’incliner devant des portraits de Kim Il-sung et Kim Jong-il, respectivement grand-père et père du dirigeant actuel Kim Jong-un, avant de voter.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le Parti des travailleurs de Kim Jong-un n’est pas la seule formation politique en Corée du Nord. Il existe trois autres partis, qui occupent ensemble près de 80 des 687 sièges de l’Assemblée suprême du pays.
« L’idée est de créer une illusion de système multipartite. Évidemment, c’est une mascarade », dit Gérard Hervouet, professeur de sciences politiques à l’Université Laval, qui insiste pour rappeler que la Corée du Nord est une dictature et l’un des régimes les plus répressifs du globe.
Benoit Hardy-Chartrand rappelle pour sa part que le système politique et électoral de la Corée du Nord a été calqué sur celui de l’ancienne Union soviétique après la Deuxième Guerre mondiale.
« On parle souvent du dernier système stalinien au monde. Ce n’est pas toujours tout à fait exact dans les faits, mais historiquement, ça a un fort fond de vérité », dit-il.
Les élections représentent une rare occasion pour les analystes de comprendre qui gravite autour du cercle du pouvoir en Corée du Nord. Cette année, une apparition a beaucoup fait jaser : celle de Kim Yo-jong, la jeune sœur de Kim Jong-un, accompagnant son frère au bureau de vote. La télévision d’État a montré la jeune femme, qu’on croit âgée de 26 ans, vêtue d’une jupe noire et qualifiée pour la première fois de « dirigeante supérieure ». Qu’est-ce que cela signifie ?
« Comme toujours avec la Corée du Nord, on ne le sait pas trop, dit Gérard Hervouet. On décrypte. Ce qui semble clair, c’est que Kim Jong-un ne fait confiance à presque personne, surtout par les temps qui courent. Il s’entoure donc de gens très proches, qu’il connaît bien et qui sont souvent très jeunes. »